• MESSAGE DU PREMIER MINISTRE DU CANADA •
MINISTRE DES RELATIONS INTERNATIONALES ET DE LA FRANCOPHONIE ET MINISTRE DE L'IMMIGRATION, DE LA FRANCISATION ET DE L'INTÉGRATION
MOT DU MINISTRE RESPONSABLE DE LA LUTTE CONTRE LE RACISME
• MESSAGE DE MME VALÉRIE PLANTE, MAIRESSE DE MONTRÉAL •
Le potentiel insoupçonné des technologies de l’information et des communications dans la lutte au racisme
Depuis la 20e édition de la Semaine d’actions contre le racisme survenue en 2019 - la pandémie ayant amené l’annulation de celle de 2020 - l’actualité n’a eu de cesse de démontrer l’importance de ces rendez-vous collectifs qui permettent à toutes les personnes et les organisations engagées contre le racisme de trouver ensemble des pistes de solutions. Cette année encore, c’est avec plaisir que la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse apporte sa contribution à la Semaine d’action contre le racisme et pour l’égalité des chances afin de nourrir la réflexion autour du thème Comment répondre au racisme à l’ère du numérique ?
Il importe de le mentionner d’entrée de jeu : si la technologie permet de nombreuses avancées positives, les utilisations qui en sont faites peuvent reproduire les mécanismes, dynamiques et rapports inégalitaires de pouvoir présents dans la société. Ainsi, la technologie met en interaction plusieurs phénomènes qui créent ou accentuent ces inégalités sociales.
Parmi ceux-ci, notons les trois phénomènes suivants :
la fracture numérique, soit l’accès inégal aux technologies, est une triste réalité pour de nombreux ménages en situation de précarité socioéconomique parmi lesquels se trouvent de nombreuses familles issues de minorités racisées en raison des inégalités de revenus et d’accès à l’emploi qui persistent.
le cyberharcèlement, qui se trouve facilité par le recours à l’anonymat sur Internet. Cyberharcèlement qui, d’ailleurs, s’articule souvent autour de la « race », la couleur, la langue, l’origine ethnique ou nationale et la religion. Plusieurs personnes n’oseraient fort probablement jamais affirmer en présence ce qu’elles affirment pourtant sur le web. L’anonymat enlève un sentiment de responsabilité. C’est d’ailleurs l’un des phénomènes qui a été étudié par la Commission dans une étude sur les actes haineux à caractère xénophobe, notamment islamophobe en 2019. L’étude a mis en lumière l’ampleur des propos à caractère haineux sur diverses plateformes numériques. Le tiers des personnes interrogées dans ce cadre a affirmé avoir fait l’objet d’insultes ou de menaces en ligne les visant personnellement souvent avec une intensité plus forte que les propos tenus en face à face. [1]
le renforcement des biais cognitifs en raison du fonctionnement des algorithmes. Comment cela fonctionne-t-il? Les algorithmes gouvernent Internet et fonctionnent en proposant du contenu semblable à ce avec quoi vous interagissez. Plus vous interagissez avec le contenu proposé, plus vous visionnez de publicités et plus les compagnies technologiques font de l’argent, ce qui est l’objectif recherché par la grande majorité des sites et des médias sociaux. Puisque sur Internet, ce qu’on rentabilise, c’est l’attention des internautes, il devient alors primordial pour tout site Internet de vous montrer des contenus susceptibles de vous intéresser. Le meilleur moyen de susciter votre intérêt est de vous présenter du contenu semblable à ce que vous consultez, avec comme effet de conforter ou renforcer un point de vue déjà présent.
En ce qui concerne la prévention du racisme, les algorithmes peuvent représenter un obstacle de taille. Les contourner est difficile, voire impossible. Faire un effort conscient afin d’interagir avec du contenu diversifié est une bonne idée, mais ne saurait en soi représenter une solution pour enrayer le racisme. La majorité des personnes, jeunes et moins jeunes, n’ont d’ailleurs pas conscience du manque de diversité des contenus auxquels les algorithmes les exposent.
Faut-il tenir pour acquis que la technologie nuit au droit à l’égalité sans discrimination et qu’elle est en automatiquement l’ennemie ? Doit-on conclure que la partie est jouée et que le racisme ne peut qu’être renforcé par le recours à la technologie, les algorithmes étant configurés comme ils le sont ?
Ce n’est pas aussi tranché, car le foisonnement de nouveaux moyens technologiques déployés à l’ère du numérique offrent aussi de puissants leviers de partage d’information, des canaux de communications extrêmement rapides et des avenues alternatives de revendication aux personnes qui voient leurs droits atteints sur la base d’une même appartenance, d’une même réalité ou d’un même motif interdit de discrimination. À la différence des médias classiques, les médias sociaux favorisent la circulation des idées, témoignages et faits selon un réseau de contacts interpersonnels propice à la mobilisation.
Se trouvent ainsi portées à l’attention du public des situations parfois choquantes qui peinaient auparavant à sortir de la sphère privée, si bien qu’il devient impossible de les nier ou de les banaliser. Pensons ici aux images bouleversantes de la mort de George Floyd aux États-Unis, mais aussi plus près de nous celles des circonstances entourant la mort de Joyce Echaquan. Attirant l’attention du public, ces situations ont contribué à l’écoute et l’action des décideurs.
Des risques sont cependant associés à ces moyens, qui interpellent notre vigilance collective, dont le risque de porter atteinte au droit à la dignité des personnes. Les nouvelles possibilités de lutter contre le racisme qui s’offrent à nous à l’ère du numérique doivent donc être utilisées avec jugement, et tenir compte des droits de chaque personne.
Voilà pourquoi il importe de miser davantage sur la nétiquette (l’étiquette ou comportement exigé sur Internet) des différents moyens communicationnels virtuels afin d’y inclure des moyens concrets d’intervenir contre le harcèlement discriminatoire, notamment raciste. Imposer l’adoption et le respect de telles nétiquettes dans les conditions d’utilisation des services web semble d’ailleurs une avenue prometteuse pour garantir aux usagères et usagers le plein respect de leurs droits, même en ligne.
Indissociables, les droits et libertés de la personne forment un tout, un ensemble cohérent. Les transformations sociales, de même que l’évolution des technologies n’ont pas pour effet d’effacer ces droits et libertés, mais de les pousser à évoluer. Le propre de l’humain est de sans cesse s’adapter à de nouvelles conditions, et l’arrivée du numérique impose un rythme accéléré à cette faculté d’adaptation. Les nouvelles avenues offertes par Internet, les algorithmes et les médias sociaux sont des espaces (virtuels) qu’il nous appartient d’investir collectivement afin d’y faire circuler abondamment les principes fondateurs de notre société démocratique : l’égalité sans discrimination dans l’exercice de l’ensemble de nos droits et libertés, à l’abri de la haine, de l’ignorance, de la discrimination, des préjugés et des stéréotypes.
Ne perdons pas de vue que c’est d’abord et avant tout par l’entremise de l’éducation et de la sensibilisation que nous pouvons faire reculer le racisme ainsi que la haine et l’intolérance qui en sont des manifestations. « L’éducation est une arme puissante », disait Nelson Mandela, une arme pour combattre l’intolérance, le racisme encore bien présent dans nos sociétés, une arme pour abattre les préjugés. C’est pourquoi la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse assure une présence assidue sur Internet et les médias sociaux, et y diffuse régulièrement des contenus éducatifs et informatifs, portant notamment sur le racisme.
Parmi nos plus récentes parutions, toutes disponibles via notre site web, on retrouve notamment :
- l’exposition virtuelle Fugitifs!, qui permet d’en découvrir sur le phénomène de l’esclavage au Québec;
- La campagne de sensibilisation 14 bédéistes, 14 motifs…de discrimination !
- l’épisode 1 de Balad’elles : Quelle est ta nuance ? dans lequel de jeunes femmes racisées s’expriment sur l’impact du colorisme sur leur vie;
- L’excellent ouvrage Mythes et réalités sur les peuples autochtones, de même qu’un jeu-questionnaire.
Ces contenus éducatifs, développés par la Commission pour visibiliser l’histoire de certains groupes et les enjeux encore associés au racisme dans notre société, s’ajoutent à une foule d’initiatives (par exemple, Moi j’ai un ami blanc, Briser le code, Laissez-nous raconter…l’histoire crochie, Néo-Québec) qui offrent une belle et perspicace riposte virtuelle au racisme.
C’est donc sur une invitation à relayer de telles publications dans vos propres médias sociaux et à les enrichir de divers contenus faisant la promotion du droit à l’égalité que se conclut ce texte; car à l’ère du numérique, il est impératif d’apporter une réponse collective, forte et inclusive au racisme qui persiste.
Julie Dumontier et Marie-Iris Légaré, agentes d’éducation et de coopération
Direction de l’Éducation-Coopération et des Communications
Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse
[1] Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, Les actes haineux à caractère xénophobe, notamment islamophobe : résultats d’une recherche menée à travers le Québec, 2019, https://www.cdpdj.qc.ca/storage/app/media/publications/etude_actes_haineux.pdf
Combattons le racisme pour avancer collectivement !
Le conseil interculturel de Montréal est fier d’être un partenaire privilégié de la semaine d’action contre le racisme. La Semaine d’action contre le racisme (SACR), il faut le dire, n’est pas juste un événement majeur de la lutte contre le racisme et l’intolérance. C’est aussi un moment de mémoire et de reconnaissance, qui existe depuis 1999. C’est une occasion pour se souvenir. En effet, à côté de l’intersectionnalité, l’histoire est une dimension fondamentale dans la reconnaissance des injustices subies par certains groupes sociaux et dans la lutte contre toutes les formes de discrimination. En ce sens, la semaine d’action contre le racisme est un événement mémoriel qui nous rappelle la nécessité de continuer à nous impliquer dans cette lutte contre l’exclusion et le racisme. Cela est d’autant plus important à l’heure du numérique où la parole virtuelle se libère pour le meilleur et le pire.
Avec le numérique et les médias sociaux, les discours haineux et le racisme ont trouvé un terreau fertile pour prospérer. Les médias sociaux sont presque devenus des lieux de non-droit. La libération de la parole numérique vient avec son lot d’enjeux en termes de respect des droits de la personne, surtout pour les personnes racisées qui peuvent se retrouver à la merci de discours haineux de la part d’individus qui se croient à l’abri grâce à l’anonymat qu’offrent les plateformes virtuelles. Dans un tel contexte, la vigilance et la fermeté doivent être de mise. Et, nous devons agir. À l’ère du numérique, il faut en effet, combattre le racisme avec un arsenal juridique fort.
Enfin, nous dirons qu’au-delà de la célébration et de l’appréciation des différences, nous avons tous et toutes collectivement notre part à jouer. Car, combattre le racisme est un prérequis essentiel pour que nous puissions avancer collectivement comme société diversifiée et interculturelle.